“Cette année, pour sa dixième édition, le festival s’engage à nouveau à débuter par une thématique qui traverse les disciplines, les sensibilités et les mémoires. Le programme se déploie en écho aux quêtes de restitution, d'héritage et de transmission vivante. Il ne s’agit pas simplement de passer le relais, mais d’un mouvement actif, d’un engagement esthétique et artistique.

La transmission est ici une recherche en soi  — elle ne se limite pas à ce que l’on dit ou fait : elle engage profondément ce que l’on est. C’est un passage, un écho, une matière en perpétuel mouvement. Elle sert également d’outil de résistance, de réinvention et de réappropriation, particulièrement pour les communautés afrodescendantes et afro-diasporiques. Alors la transmission devient un fil conducteur qui préserve, (ré)interprète et diffuse les héritages culturels de nos communautés. Elle soutient la narration collective, tissant des liens entre territoires et générations, entre ce que l’on sait, ce que l’on porte, et ce que l’on invente. 

Dans ce mouvement de transmission, la question de la responsabilité se pose. Comment porter les héritages invisibles, les traumatismes transgénérationnels, les non-dits qui nous traversent ? Nos appartenances sont complexes, parfois dissonantes ; il y a des absences à nommer, des mémoires à reconstruire, des langues à réapprendre, des gestes à inventer. Parallèlement, comment envisager les profondes nuances entre les besoins de transmission des communautés diasporiques, et ceux des communautés vivant sur le continent africain ? Ce dialogue est essentiel pour bâtir des espaces d’affirmation collective, où les identités africaines et diasporiques ne sont pas perçues comme en décalage, mais comme des forces créatrices à part entière. 

Je conclue cet édito en “je”, car c’est à travers cette singularité assumée qu’un “nous” peut émerger. Le choix du mot “poétique” n’est pas anodin ; j’affirme une esthétique, une manière de faire résonner — sans les figer — des formes qui accueillent plutôt qu’elles n’enferment. La poésie m’invite à questionner la tradition pour l’habiter autrement. Cette thématique souligne également la nécessité de célébrer les vécus spécifiques et esthétiques des personnes noires afin de construire une mémoire collective et des identités partagées. Je souligne le rôle crucial de la transmission, qui permet de préserver les luttes passées tout en inspirant les générations présentes et à venir. J’invite artistes et publics à interroger la (re)construction de ces espaces diasporiques : comment créer ou préserver ce que nous n’avons que peu — ou pas — connu ?

Comme à chaque édition, le festival est ouvert à touxtes, mais une invitation plus ciblée est adressée aux personnes noires et afrodescendantes, originaires du continent et des diasporas à Bruxelles.”

Marie Umuhoza