Berthe Morisot fut une femme chanceuse, et audacieuse : éduquée à la peinture suivant les convenances qu'imposait son milieu d'origine (la haute-bourgeoisie), elle décida assez jeune de rompre avec les milieux académiques pour exposer avec des peintres qu'on appela, dès 1874, les Impressionnistes.
Elle en fut d'ailleurs l'un des membres les plus assidus puisqu'elle exposa au sein de sept expositions impressionnistes sur les huit organisées par le groupe jusqu'en 1886.
La presse se montrait élogieuse à son égard, et elle vendit même des tableaux, alors que ses homologues masculins peinaient à y parvenir.
Le nom de Berthe Morisot sombra pourtant dans l'oubli : partie trop tôt ? Eclipsée par des peintres qui connurent enfin, à force de persévérance, la consécration ? Releguée à une position subalterne auquel son sexe la destinait ? Sans doute un peu de tout cela...
Pourtant, depuis une dizaine d'années, les expositions consacrées aux femmes impressionnistes (ou femmes artistes en général) semblent amorcer une relecture de l'histoire de l'art.
A mesure qu'un profil de Berthe Morisot de dessine, l'étude de son milieu d'origine, de ses voyages et de ses fréquentations en précise à nouveau les contours : toute moderne qu'elle fut, cette peintre a néanmoins toujours porté son regard vers l'art du passé, et particulièrement vers ce siècle alors honni pour son caractère précieux - le XVIIIe siècle.
La conférence s'intéressera à la manière dont la singularité de l'oeuvre de Berthe Morisot s'est construite : non pas seulement grâce au traitement de sujets féminins avec une verve impressionniste (entendez : masculine), mais surtout grâce à son intérêt précoce, et tenace, pour l'art du siècle de tous les raffinements, et pour l'oeuvre de Boucher, Chardin, Fragonard, Watteau, Perronneau, Reynolds, ou encore Gainsborough.