La séance de projections sera suivie d’un débat entre Jagna Ciuchta, artiste et enseignante à l’ENSAPC – Ecole nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy, et Patricia Brignone, historienne et critique d’art, professeure à l’ENSAD – Ecole nationale d’Art et de Design de Dijon et membre de SensoProjekt.
ESPOIRS ET DÉBOIRES DE DEUX ÉTUDIANTES EN ART, 1967-2025
SHULIE de Elisabeth Subrin – Super 8/16mm, 37’, USA, 1997
et
ABORTION PARTY de Julia Mellen, 13’18”, Espagne, 2025
Chicago, 1967. La canadienne Shulamith Firestone (1945-2021), 22 ans, issue d’une famille juive orthodoxe, future activiste et leader féministe, passe son diplôme de peinture à l’Art Institute, quand quatre jeunes étudiants mâles tournent un court portrait filmé d’elle, « Shulie ». On y voit une Shulamith très éloignée de l’insouciance de son âge.
Trente ans plus tard, en 1997, Elisabeth Subrin (réalisatrice entre autres de « Maria Schneider, 1983 », César du meilleur court-métrage documentaire en 2022), entreprend un remake de « Shulie » avec Kim Soss -ancienne, elle aussi, de l’Art Institute-dans le rôle de Shulamith. Elisabeth Subrin redonne voix à la jeune « intello » grave des années 60, ses réflexions, ses doutes, ses déceptions, sur le genre, l’Art, Dieu, le travail, le racisme, la maternité, le pouvoir ou le sexe. Par un habile jeu de miroirs et de contrapositions (mais aussi de grains d’image), le cinéma opère un troublant « voyage conceptuel dans le temps », selon la réalisatrice, à un point tel que les deux films, les deux époques, les deux Shulie finissent par se confondre.
Trois décennies plus tard, Julia Mellen, jeune étudiante brésilienne implantée dans le quartier chicano de Chicago, prépare un dossier pour une école d’art dont elle biffe le nom. Le sujet choisi est sa fête d’avortement. Et Julia de nous entraîner dans un tourbillon de paroles, de personnages interlopes, de sexe, de beuveries, dont nous ne sortirons pas indemnes.
A priori, tout différencie Shulamith et Julia. Aux préoccupations existentielles de l’une s’oppose l’apparente et déroutante frivolité de l’autre. Mais à y regarder de plus près, on peut s’interroger sur ce qui a véritablement changé depuis les années 60. Même si Julia nous fait comprendre comment la parole des femmes s’est libérée, le statut des étudiantes en art par rapport aux étudiants artistes hommes demeure fragile. Pour preuve, Julia semble tout aussi inadaptée socialement que Shulamith.
A travers « Shulie », Elisabeth Subrin a voulu rendre hommage et questionner la postérité de ladite « deuxième vague féministe ». Par son irrévérence, par la violence de ses propos, Julia Mellen nous propose quant à elle une lecture concrète, et pour le moins désabusée, de cet héritage. 60 ans ont passé, certes… And so what ?
Mònica Regàs
Remerciements à Justine Lévêque pour le sous-titrage de Shulie