Partition Publique, c’est une agora sonore, un continuum rythmique et électronique joué en direct, dans lequel le public interagit en déclenchant des sons. Cris et chants d’oiseaux, battements d’ailes, slogans de manifestations passées et actuelles, bruits de répressions mais aussi brèves ouvertures vers une forêt au Japon ou une rue en Tanzanie, en Inde, au Royaume-Uni... Dans cette agora, une rythmique se met en place entre ce qui est joué en direct et ce qui est donné par les banques de son, créant une foisonnante partition collective publique.
« Je me suis souvenue de la perception très singulière que j’ai eue pendant puis à l’issue du confinement : les oiseaux semblaient s’être rapprochés, et les manifestations réprimées. Je n’avais jamais perçu les oiseaux, leurs corps, leurs cris, leurs ailes d’aussi près. Lorsque je sortais de chez moi, les pigeons dans la ruelle ne s’envolaient pas dès mon arrivée. J’ai aimé cette proximité. En même temps, j’ai constaté que la répression policière avait augmenté lors des évènements qui ont suivi la fin du confinement. J’ai eu envie d’entendre à nouveau des manifestations et de mettre en lien ces trois rythmicités : animales, sociales et musicales.
Le combat pour la reconnaissance des compositrices a été très long, il est encore en cours. Il a également été très difficile, principalement pour des raisons culturelles. Pourtant, les femmes ont été nombreuses au fil des siècles à exercer leurs talents dans un domaine traditionnellement réservé aux hommes. L’histoire les a continuellement oubliées.
Cette conférence leur rend justice au travers d’une galerie de portraits de compositrices engagées dans leur art, contre vents et marée, et à l’écoute de leur vocation malgré toutes les barrières rencontrées, depuis la Renaissance jusqu’à la période moderne. On y croisera notamment Maddalena Casulana, Francesca Caccini, Elisabeth Jacquet de La Guerre, Hélène de Montgeroult, Fanny Mendelssohn, Mel Bonis, Ethel Smyth ou Ruth Crawford Seeger.
Nous vivons une époque foisonnante de créations sonores, investie par de nouvelles générations de musiciennes qui renouvellent le genre dans une liberté totale. Celle-ci s’exprime dans leur approche du son et dans leur propos, affirmant un engagement sociétal assumé jusque dans leur création. Ces nouvelles expérimentatrices ont absorbé les ‘classiques’ de l’électroacoustique comme les courants de l’électronique, de la noise et de l’expérimental dans une forme de fusion des genres, tout en donnant une place sensible à la question de l’humain.
Paola Aviles, Erell Latimier, Emilie Mousset, Gaël Segalen, Sig Valax, etc., chacune propose des voies de recherche originales. À découvrir lors de ce concert proposé par la compagnie Motus joué sur son acousmonium, orchestre de haut-parleurs qui permet une mise en relief spatiale et une immersion totale dans le son.
Depuis 2012, Carole Rieussec compile des oeuvres de musique électronique et concrète, composées par des femmes de la même génération que les ‘grands maîtres’ de ces musiques : Pierre Schaeffer, Luc Ferrari, Pierre Henry, etc. Elle propose une diffusion électroacoustique performative de ce répertoire féminin. « Il s’agit de renouveler la diffusion acousmatique classique en ouvrant des perspectives de diffusion alternative où le corps modifie l’espace sonore. »
Pour cela, elle fait appel à des participant.e.s qui manipulent en direct l’acousmonium de façon à faire et défaire l’espace selon les spatialités inscrites dans les oeuvres qu’elle choisit. Tel un jeu de lego, les haut-parleurs manipulés transforment l’espace au gré des compositions musicales et des partitions de diffusion.
Cette contre histoire active une archéologie sonore qu’elle complète sous un mode radiophonique et documentaire, avec la rubrique féministe wi watt’heure sur le site de Revue & Corrigée. Pour ce volet VII des Pionnières de la musique électronique et concrète, Carole Rieussec partagera les projections sonores avec la Cie Motus.
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Au programme, des oeuvres de :
Else Marie Pade, Jacqueline Nova, Nicole Lachartre, Brunhild Ferrari, Maryanne Amacher, Susana Baron.
Remerciements à Jérome Noetinger.
wi watt’heure est une émanation sonore de la revue papier Revue & Corrigée conçue et composée par Elena Biserna et Carole Rieussec. wi watt’heure interroge la sphère sociale et politique à travers le regard des femmes. Des femmes artistes, des femmes théoriciennes, des femmes militantes, des femmes concrètement engagées dans la société et qui, à travers leurs expériences et leurs pratiques, visent à la questionner et à la transformer.
Le but n’est pas seulement d’alimenter l’inclusion et la différence dans le champ de l’art – et des arts sonores en particulier – mais d’utiliser le genre comme un prisme pour écouter, repenser et défier les multiples rapports de pouvoir et de domination en jeu dans le monde contemporain. À chaque numéro, wi watt’heure invite des artistes ou des collectifs pour explorer leur univers, leurs perceptions, leurs représentations, leurs actions. L’écriture formelle est pensée comme un miroir de ces singularités. Pour ce numéro spécial, wi watt’heure invite Esther Ferrer à créer en direct et en public une émission qui lui sera consacrée.
