Journée de réflexion sur la critique : Critique, affects, légitimité
Fri Sep 12, 2025 from 10:00 AM to 05:00 PM
Timezone : Europe/Brussels
La Bellone, Rue de Flandre, Bruxelles, Belgique
Journée de réflexion sur la critique : Critique, affects, légitimité
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L’un des premiers rôles sociaux de la critique d’art, en tout cas son effet le plus visible et le plus immédiat, est de produire de la légitimité et de la distribuer à certaines œuvres plutôt qu’à d’autres. Qu’elle fasse l’éloge d’une œuvre ou se livre à sa destruction en règle, le premier acte d’une critique est toujours d’énoncer implicitement que de cette œuvre « il vaut la peine de parler ». Mais sur quoi repose ce pouvoir de légitimation et surtout, qui est légitime à rendre ainsi légitime ?
 
Que ce soit dans la presse à grand public ou dans les publications plus spécialisées, la réponse à cette question est, dans une écrasante majorité, de renvoyer à un idéal d’objectivité et de se dégager de toute logique d’affect. Pour résumer, on pourrait dire que le style critique contemporain cherche sa légitimité en enfouissant les questions d’affect sous les formes de l’argumentation rationnelle, distanciée, « universelle ». 
 
Pourtant, depuis quelques années, des initiatives critiques rompent avec ce refoulement de l’affect pour se démarquer explicitement de cette ambition d’objectivité et affirment au contraire une posture critique résolument située, que ce soit par la mise en polyphonie d’une diversité de regards ou par la revendication d’une critique ouvertement affectée. Pour elles, l’affect ne renvoie pas à une individualité privée, elle est au contraire ce qui marque les appartenances et les engagements, les points de privilège ou de domination. En un mot : en faisant voir et parler  nos zones critiques, au sens qu’Irit Rogoff a donné à l’idée de criticality : à savoir l’ensemble des conditions (de vie psychique et corporelle, d’éducation, d’appartenance à des identités ou à des groupes sociaux…) à partir desquelles, chacun·x·e de façon située, nous sommes diversement concerné·x·es et éventuellement déplacé·x·es par les situations, les discours, les événements que nous rencontrons. 
 
Une critique affectée fait donc tout l’inverse que se murer dans son « expérience à soi », pas plus qu’elle ne cherche à produire un point de vue « universel » ou « neutre » : elle dessine toujours, plus ou moins expressément, une carte de relations, de proximités ou de distances, d’attachements ou de rejets. Non pas pour les ériger en arguments d’autorité mais au contraire pour faire retour sur ses propres conditions de parole. Elle met alors à jour l’autre sens de « critique » : celui d’une bascule (comme on parle d’un seuil critique) dans la pensée, le corps ou l’écriture. Elle affirme ainsi que si une posture critique est toujours construite, sa légitimité n’est pas une affaire de codes (normatifs, intellectuels, blancs ou bourgeois) qui se voudraient faire « référence », mais bien au contraire qu’elle peut et doit, si elle veut rester vivante, se pratiquer depuis des points d’expérience et de parole toujours multiples.
 
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L’aventure critique de Pauline L. Boulba est radicalement de celles-là. Dans son livre Critiqueer la danse (2023), elle dessine une pluralité foisonnante d’explorations critiques qui poussent toujours plus loin l’attention à un savoir-sentir et « invitent à repenser l’oeuvre et la critique comme des espaces participant aux mêmes enjeux (une redistribution des savoirs, des gestes, des processus de subjectivations) ». 
Active à la Bellone depuis 2021, La Salve est un projet de déconstruction critique imaginé par Mylène Lauzon. En 5 ans, le projet a mué au gré des modulations du groupe qui a été constitué autour. 8 regards de personnes aux pratiques multiples, se croisent pour offrir 4 fois l’an, un bouquet de textes autour d’un spectacle/ une performance d’artistes de la FWB. Au-delà d’un jugement esthétique ou formel, ces plumes partagent leur rencontre avec l'œuvre, les endroits de frottements, ce qui les déplace aussi; une manière d’envisager un dialogue avec un.e/ des artistes, leur travail et les spectateur·rices.
Comment recevoir une œuvre artistique et partager ce qu’elle a provoqué en nous? Qui peut se dire critique d’arts vivants? A l’heure de la multiplication des médiums et des initiatives critiques, quelle est encore sa place aujourd’hui? Tels sont les questionnements qui ont fait évoluer le projet.
Inspirée par différents textes signés par Irit Rogoff ou Pauline L. Boulba, la Salve se place à l’endroit de la liberté, de la générosité et de la vulnérabilité et tente de déplacer les rapports de pouvoir induits par la posture critique classique, en interrogeant le regard critique lui-même. 
Récemment, est née la volonté de l’ouvrir à d’autres plumes à travers des ateliers. Un tutoriel a dès lors été imaginé à partir de là, reprenant jeux et mises en situation pour déployer une pensée critique propre, résultat d’un regard situé conscient, libre dans sa forme. C’est avec une grande joie que l’équipe de La Salve souhaite partager ce premier prototype de « mode d’emploi  » de la critique salvienne. Un tuto à mettre en toutes les mains.
 
 
Programme :
Matinée (10h00-13h00)
Après une présentation de son travail, des héritages et des questions qui l’animent, Pauline dialoguera sur ces questions avec Anna Czapski et Marwane Lakhal, tous deux auteur·ices à La Salve, le projet de critique polyphonique et située présent à la Bellone depuis 2021.
 
Après-midi (14h00-17h00)
L’après-midi sera consacrée au partage par Anna Czapski et Raïssa Yowali d’un tutoriel sur la méthode de la Salve pour l’organisation d’ateliers participatifs avec des personnes désirant s’essayer à la critique écrite de spectacles. 
 
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Fri Sep 12, 2025 from 10:00 AM to 05:00 PM
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2025-09-12 10:00:00 2025-09-12 17:00:00 Europe/Brussels Journée de réflexion sur la critique : Critique, affects, légitimité Reservations on : https://www.billetweb.fr/journee-de-reflexion-sur-la-critique-critique-affects-legitimite -- L’un des premiers rôles sociaux de la critique d’art, en tout cas son effet le plus visible et le plus immédiat, est de produire de la légitimité et de la distribuer à certaines œuvres plutôt qu’à d’autres. Qu’elle fasse l’éloge d’une œuvre ou se livre à sa destruction en règle, le premier acte d’une critique est toujours d’énoncer implicitement que de cette œuvre « il vaut la peine de parler ». Mais sur quoi repose ce pouvoir de légitimation et surtout, qui est légitime à rendre ainsi légitime ?   Que ce soit dans la presse à grand public ou dans les publications plus spécialisées, la réponse à cette question est, dans une écrasante majorité, de renvoyer à un idéal d’objectivité et de se dégager de toute logique d’affect. Pour résumer, on pourrait dire que le style critique contemporain cherche sa légitimité en enfouissant les questions d’affect sous les formes de l’argumentation rationnelle, distanciée, « universelle ».    Pourtant, depuis quelques années, des initiatives critiques … La Bellone, Rue de Flandre, Bruxelles, Belgique La Bellone
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