Bien qu’on attribue la renaissance des Suites pour violoncelle de Jean Sébastien Bach à Pablo Casals, celles-ci ont été omniprésentes dans la formation des violoncellistes du XIXe siècle. Depuis la première édition publiée en 1824 par Louis Norblin, professeur de violoncelle au Conservatoire de Paris, sous le titre de Six Sonates ou Études, les Suites furent constamment rééditées par divers interprètes de toute l’Europe. La fidélité aux sources et la notion d’Urtext n’étant pas ancrées dans les esprits du XIXe siècle, les Suites se virent quelque peu arrangées, remaniées voire complètement recomposées. Friedrich Grützmacher en livre son édition en 1866. Considérée comme une curiosité archéologique de nos jours en raison de la multitude d’indications qui noircissent la partition et surtout de la musique même qui est souvent réécrite, cette version est totalement tombée dans l’oubli. Avec ses indications de phrasé ou de tempo, ses ajouts de nuances, d’accords, de voix, des nouvelles modulations et même des transpositions, l’édition de Grützmacher semble être à l’opposé de notre notion actuelle d’authenticité alors que le violoncelliste prétendait justement rendre service à l’oeuvre. Pourtant, loin d’être une simple fantaisie, cette édition a beaucoup à nous apprendre. Que ce soit à propos des habitudes interprétatives d’une époque, de la réception de la musique ancienne ou de l’amour cultivé pour Bach, la version des Suites de Grützmacher est une mine d’or qu’il convient d’exploiter pour réinterroger nos pratiques actuelles.